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Philippe Langlois et Dixiefrog... 20 ans de mariage !

20 ans que Philippe Langlois, fondateur et insatiable artisan du label français Dixiefrog, peaufine, avec la même passion et sincérité, l’œuvre de défrichement et de découverte des musiques nord-américaines actuelles, à vive allure... Avec le talent que l’on connaît, souvent contre vents et marées, avec beaucoup de travail et tout autant de dénuement, cet incontournable acteur du monde blues et rock préserve son indépendance avec une farouche détermination et s’apprête à mener l’ultime combat contre la mauvaise utilisation des nouvelles technologies...

 

 

Bon anniversaire Dixiefrog ! 20 ans pour un label, c’est jeune et déjà ancien. Comment est venue l’idée d’une telle aventure ?

Le départ de cette histoire, c’est ma rencontre avec Alain Rivet. Alain faisait de la radio sur RFM sous le nom de Docteur Honky-Tonk et chantait dans un groupe de country français qui s’appelait Rockin’ chair.

C’est mon cousin Claude Langlois, le roi de la glisse (pedal-steel, lap steel... et qui joue maintenant avec Patrick Verbeke et Paul Personne) qui me l’avait présenté et j’avais travaillé avec eux.

À l’époque, j’étais moi-même manager de Sapho après avoir collaboré quelques années avec Francis Lalanne. Alain était fondu de country. Moi, qui suis un ancien joueur de blues en mi (majeur), j’aimais vraiment bien la musique roots américaine et le rock US. L’idée nous est venue que le seul courant musical américain qui n’avait jamais accroché en France était la country et que ce serait intéressant de s’y attaquer. Bon, on aura essayé !...

Plus tard, Alain s’est tourné vers la scène. Avec Euroblues, il fait tourner des artistes comme Tommy Castro, Duke Robillard, Tom Principato... Il chante également sous le nom de Leadfoot Rivet dans le groupe Blues Conspiracy (avec Neal Black et Nico Wayne Toussaint) et c’est sous cette forme que nous collaborons maintenant.

Au fait, d’où vient le nom de Dixiefrog, un rien sudiste. Et le logo de la Grenouille ?

C’est Alain Rivet qui a trouvé le nom. C’était dans l’esprit des labels roots américains (Flying Fish, Sugar Hill, Blind Pig, Alligator...). Sudiste ? Bien sûr, toutes ces musiques viennent plutôt du Sud : New Orleans, Texas, Tennessee, Mississippi, Alabama... Alors, Dixiefrog, c’était un clin d’œil des petits frenchies qui se lançaient dans la country...

Le logo, c’est très récent. Il est apparu quand on a remanié le site web Blues Web. J’ai voulu donner un côté plus vivant et un peu symbolique de ma vision du label. C’est plus convivial que juste des couleurs et des polices de lettres. Quand la grenouille dit ‘Je fête mes 20 ans’ ou bien ‘je vous fais une promo cette semaine’, je trouve que ça crée une relation plus personnelle avec ceux qui s’intéressent au label.

En fait, en écrivant ça je suis en train de me rendre compte que la grenouille de base, c’est un peu moi. Mais, de plus en plus, les nouvelles grenouilles (j’essaie d’en créer de nouvelles tous les 6 mois) sont inspirées par des artistes du label (saluons au passage Emily Miss’ill, qui réalise tous ces petits personnages).

Les premières sorties de Dixiefrog étaient plutôt orientées country music (Karen Taytor-Good, Jimmy Tittle) et même alternative avant l’heure (Joe Sun, Susan Marshall), voire rock (Tony Joe White ou le Bama Band), pour n’en citer que quelques-uns... Etait-ce par goût ou plutôt des opportunités ?

Tout ce qui a été publié sur Dixiefrog l’a été à la fois pour des questions de goût, d’opportunités et de budget. Il fallait que ça nous plaise, qu’une rencontre se fasse et que l’on soit en mesure de conclure l’affaire financièrement.

Dans vos références, le blues n’apparaît qu’en 1989 avec un CD d’Omar & the Howlers, suivi plus tard d’un Neal Black en 92. Comment est intervenu ce glissement progressif du plaisir bleu ?

On a beaucoup hésité au début à sortir l’album d’Omar & The Howlers parce que c’était vraiment du Texas blues et notre ligne était résolument country. Mais nos goûts l’ont emporté sur nos réticences.

Neal Black c’était différent. Son premier album sur Dixiefrog a vraiment été le tournant blues du label. C’était trop difficile de travailler la country. À partir de là, j’ai publié de moins en moins de country music et j’ai vraiment développé le blues avec lequel j’étais en parfaite harmonie (c’est la seule musique que j’ai approchée avec un instrument). Ceci étant dit, c’est plutôt frustrant, car la country est une musique magnifique, aussi bien le bluegrass que le country-rock ou la country traditionnelle, avec beaucoup de richesse harmonique. Il y a plus de variété dans l’instrumentation (violon, pedal-steel, mandoline...) que dans le blues actuel.

Pour embrayer là-dessus, je rajouterais que ma vision du label est avant tout l’entertainment (la distraction). Le premier but de la musique que publie Dixiefrog est de donner du plaisir et des émotions simples. À la base, c’est un label très orienté sur la guitare et le groove. Cela n’interdit pas la beauté et la sensibilité, ni un texte magnifique et même des idées engagées. L’émotion peut même parfois être assez intense pour que ça tienne debout avec une simple guitare acoustique, mais tout ça c’est en plus.

À la base, la musique de Dixiefrog, ce n’est pas fait pour réfléchir, mais pour prendre du bon temps ou avoir le poil qui se dresse...

Mais le Blues apporte une émotion plus perceptible à tous les publics, non ?...

Oui, certainement. Le blues est une des musiques les plus chargées d’émotion. La voix de John Lee Hooker ou de Lightin’ Hopkins m’émeut comme Edith Piaf ou le requiem de Mozart. Ce n’est pas exactement la même émotion, mais elle est de même nature, elle est aussi intense et elle a certainement le même rapport invisible avec le divin ou la spiritualité. C’est plus brut et plus organique, mais, au fond c’est pareil. Ça m’a touché quand j’étais enfant et ça ne m’a plus jamais quitté.

En peu de temps, Dixiefrog défriche un catalogue en majorité basé sur le blues rock. Cela nous a permis de découvrir de véritables artistes et même peut-être de développer le genre en France. Était-ce prendre aussi beaucoup de risques ?

Non. Ce qui est très risqué, à moins d’être rentier, c’est de ne rien faire pour assurer sa subsistance. Le seul risque pour moi, et c’est une tension perpétuelle, c’est de pouvoir payer les artistes, les fournisseurs et de me payer moi-même.

Mais le risque fait partie de la vie, à chaque instant. Quand je signe un artiste, je prends un risque. Mais si je n’en signe pas assez pour faire tourner la société, j’en prends aussi un autre. Et si je ne prends jamais le moindre risque artistique, si je refuse l’innovation, le label va vieillir d’un coup.

Lorsqu’on pense à la machine Dixiefrog, on imagine une ribambelle de fins limiers parcourant les terres du blues et toi Philippe en vadrouille permanente aux States ou dans les clubs à la recherche de l’artiste en devenir... En vérité, comment fonctionne un label comme celui de la Grenouille ?

Oh, ce n’est pas ça du tout. Je ne suis pas allé aux USA depuis 8 ou 9 ans. Je n’aime pas voyager et je n’en ai pas le temps. Il me semble plutôt que les choses viennent à toi si il y a une bonne raison. Le plus souvent par un artiste, par un manager, un éditeur, un tourneur, un journaliste et aussi, de plus en plus, par le site web. Cela facilite beaucoup les rencontres.

Et puis, ne perdons pas de vue qu’il n’y a pas tellement de labels qui publient du blues en Europe avec un vrai travail de développement.

Cependant, je dois mettre un bémol à ce qui précède, car mon ami Guy ‘l’Américain’ (une sorte de biker marginal un peu globe-trotter) fait le talent scout pour Dixiefrog. Tout au contraire de moi, Guy adore voyager et passe plusieurs mois par an aux Etats-Unis. C’est lui, par exemple, qui m’a mis en contact avec le label Music Maker et qui a monté avec moi la compilation que nous avons sortie récemment.

Dans ce parcours de 20 ans, on imagine les rencontres, les échanges avec tous ces artistes. Y a-t-il eu de grands moments ? Et avec qui par exemple ?

Je dirais que, dans notre métier, les artistes sont comme le sel de la terre. C’est souvent d’eux que vient le maximum d’enthousiasme et de créativité, et ça les rend sympathiques à ce titre. En plus, ce sont les patrons de leur petite entreprise, ils prennent des risques, et je me sens proche d’eux pour cela. Mais c’est aussi le cas de Sophie Louvet qui fait notre promotion, de Bruno Broussard qui fait tous les visuels du label depuis 20 ans et de beaucoup d’autres. Merci à tous pour tous les bons moments, et aussi pour les moments difficiles, passés ensembles...

Popa Chubby est arrivé comme Zorro dans la marmite Dixiefrog. On a l’impression que le bulldog du Bronx a eu besoin du label pour éclore sur le sol européen (où il fait presque toute sa carrière) mais aussi qu’il t’a permis de franchir un cap. Comment tout cela s’est-il passé ?

Au départ, quelqu’un au Midem m’a proposé de ressortir en France les deux premiers albums de Popa Chubby qui venait de publier Booty and the beast sur Sony. J’en ai fait une compilation intitulée The First Cuts, qui est parue en 1996. Ensuite, il y eut mésentente avec Sony, séparation, et Popa m’a proposé de sortir en France son premier live.

Peu à peu, j’ai pris conscience de son énorme charisme, de son potentiel et je lui ai proposé de me confier ses productions en gestion pour l’Europe entière. Ça fait donc maintenant dix ans que nous collaborons et je dois reconnaître que la qualité de son travail de songwriter, de producteur, d’interprète, ainsi que ses prestations scéniques n’ont fait que progresser avec le temps.

L’homme n’est pas toujours facile, il peut lui arriver d’être violent, mais cette violence donne une intensité incroyable à tout ce qu’il fait. Je crois que j’ai rarement ressenti chez un artiste autant de force, de spontanéité, de confiance et d’intelligence. En plus, il est d’une correction parfaite dans les affaires, respecte scrupuleusement ce qui est signé, paye toujours ce qu’il doit et donne toujours le maximum. En échange, il demande la réciproque.

Je dirais que c’est quelqu’un qui m’a forcé à me dépasser et qui m’a permis de hisser le label au niveau supérieur. Je lui en suis très reconnaissant. Je pense que de son côté il a trouvé un partenaire motivé qui l’a aidé à mettre en valeur son talent sans le brider artistiquement. Je pense qu’il y a respect mutuel. Pour les 20 ans de Dixiefrog, son nouvel album (Stealing The Devil’s Guitar) sera la 200ème référence du label.

On a l’impression qu’avec Popa Chubby, la porte s’est ouverte sur une palette d’artistes dont on sent bien, pour certains, qu’ils s’inscrivent dans le sillage du succès du Mutant du Bronx (le fameux NYC Blues existe-t-il ?), révélant au passage de sacrés artistes (Arthur Neilson ou Big Ed Sullivan), mais aussi, pour d’autres, qu’il y a de ta part, une réelle envie à la fois d’ouverture et de coups de cœur, jusqu’à surprendre même parfois le plus fidèle du style Dixiefrog. Qu’en pense le Maître du jeu ?

Tout d’abord, le New-York City Blues existe-il ? Je répondrai oui, puisque Popa Chubby existe. Ce qu’il fait n’est ni du Delta ni du Chicago, ni du Texas blues. Ça vient directement du blues, mais c’est plus urbain, avec du funk, du jazz, du rock, du rap et même, dans le nouvel album, des influences gospel et country.

À New york, Popa a produit les albums d’Arthur Neilson, Big Ed Sullivan, Mason Casey, le dernier et le prochain Bill Perry et il est très motivé par cette scène locale. Il me semble que tout ça est en train de prendre forme.

Deuxième angle de la question : oui, bien sûr, plus on a des résultats sur un artiste, plus ça rassure d’autres artistes pour venir sur le label.

Enfin, pour ce qui est de l’ouverture, elle me paraît indispensable. Le monde bouge, il faut bouger avec. J’ai tout à la fois du respect pour les artistes qui œuvrent dans la tradition s’ils apportent leur touche personnelle au style (comme Duke Robillard ou Monster Mike Welch) et de l’enthousiasme pour les aventuriers qui violent les règles, franchissent les frontières sans passeport et vont défricher les territoires encore vierges.

Comment expliques-tu ce rythme effréné des sorties Dixiefrog ? Comme une obligation liée à l’indispensable course commerciale (présence permanente sur le terrain) ? Ou par une boulimie générée par tant d’artistes à faire connaître ?

Tout d’abord, je ne peux pas payer mes frais fixes si je ne sors pas d’albums. D’autre part, les gains par album sont tellement faibles qu’en dessous de 15 à 20 sorties par an, il me serait impossible de continuer à m’occuper du label à plein temps. Ensuite, je dois confesser que j’ai du mal à résister à un très bel enregistrement ou à un artiste exceptionnel.

Enfin, je considère que j’ai une sorte de devoir de publier ce que j’estime vraiment excitant dans le domaine du blues, quitte à prendre certains risques. Ceci étant dit, je refuse chaque année beaucoup de très bonnes choses pour des raisons liées au marché et à ma disponibilité.

Dixiefrog est devenu un label incontournable des sorties blues en France. Alors parlons-en justement... Et d’abord pourquoi y a-t-il peu d’artistes français dans le catalogue ?

Pour des raisons de marché, justement. Tout d’abord, les groupes français sont très durs à exporter en Europe. Ensuite, à qualité égale le public français préfère le blues américain. C’est sans doute pour des raisons culturelles. Il y a (ou il y a eu) une mode vestimentaire, des lieux, des mouvements sociaux qui correspondaient au rock ou au rap en France : les jeans, les survêtements, les lunettes noires, les villes, la banlieue... Mais il n’y a pas eu de champs de coton.

Il y a aussi la difficulté pour les français de parvenir à développer un style personnel avec le blues : beaucoup d’excellents groupes, mais pas assez de groupes vraiment créatifs. C’est pour ces raisons qu’à part Nico Wayne Toussaint et Patrick Verbeke, la plupart des français que j’ai signés (Amar Sundy, Ras Smaïla, Karim Albert Kook) mélangeaient des racines africaines avec le blues. C’est une direction qui m’intéresse, mais le public ne suit pas toujours.

Je me suis fait plaisir aussi, l’année dernière, en publiant un album en partenariat avec le Collectif des Radios Blues qui compilait des artistes français qui ont vraiment du talent : Ze Bluetones, Miguel M, J.B. Boogie... J’aime beaucoup aussi le Marvelous Pig Noise et Jean Chartron et il y en a d’autres que j’oublie ou que je ne connais pas encore...

Ensuite, on s’aperçoit qu’un pan de la mouvance actuelle du blues, celui du revival roots, jump ou swing blues, n’est pas vraiment présent chez Dixiefrog. Question là encore de goût ou alors sans intérêt ?

Ou bien il faut faire partie de cette génération qui a été à la base de tout (c’est pour cela que nous avons publié Magic Slim ou la compilation Music Maker), ou il faut être capable d’innover dans la tradition (c’est pour cela que je travaille avec Eric Bibb). Un bon label (imaginaire) dans ce genre, ça pourrait être le catalogue Fat Possum, avec en plus Keb’ Mo, Otis Taylor et Guy Davis. Mais si c’est pour faire un copier/coller du passé, c’est sans intérêt.

Avec certaines excroissances hardies, telles que Lobi Traoré, Reggae Cowboys, ou plus récemment Nublues, Dixiefrog signifierait-il que le Blues est en train d’évoluer, de muter, de s’ouvrir au monde actuel, à sa diversité musicale, comme, finalement, il l’a déjà fait (avec le rock par exemple) ? Et penses-tu que le public blues, parfois traditionnaliste, puisse absorber cette ouverture ?

Tout d’abord le label n’est pas purement blues. Il y a des artistes plus Rock comme Little Bob, Beverly Jo Scott, Bill Wyman’s Rhythm Kings, et (bientôt) Jesus Volt. J’ai toujours au catalogue plusieurs artistes Country et les Reggae Cowboys (qui mixent très bien le Reggae avec la Country Music). Il y a aussi des artistes plus résolument World comme Manou Gallo ou Lobi Traore et il y a Leon Redbone qui est plutôt Jazz. Mais tous ces artistes ont en commun un côté roots, ethnique. Pour moi, il y a une cohérence.

Pour ce qui est du blues à proprement parler, quasiment tous mes héros sont morts (Muddy Waters, Willie Dixon, Fred McDowell, Leadbelly, Big Bill Broonzy, Dave Van Ronk...) et, d’une certaine façon, le blues est mort avec eux.

Ce qui me motive, c’est une musique issue du Blues, mais bien dans son époque. Des artistes comme Popa Chubby ou Eric Bibb, chacun à leur façon, sont des créateurs et enrichissent le genre. Ils bouleversent la tradition, mais le public les a adoptés facilement. J’ai du mal à faire accepter Gashouse Dave et son blues un peu électro (que j’adore personnellement), mais, alors que j’étais quasi sûr de me planter dans le rayon blues avec Nublues (qui mixe Blues et hip-hop), ça a très bien fonctionné.

Le public a besoin de temps pour s’adapter, mais il n’est pas vraiment fermé. De toute façon, je ne pourrais pas lui en vouloir, à 20 ans je pensais que les blancs ne pourraient jamais jouer le blues...

Les disques Dixiefrog sont comme une Oeuvre, à la fois sonore et visuelle. C’est comme une marque de fabrique : présentation superbement léchée, en digipack luxueux, avec les magnifiques photos de Patricia De Gorostarzu, l’artwork de Bruno Broussard et jusque dans la tracklist soignée. Comment fonctionne cette association magique ?

Tu as bien défini les artisans : Bruno Boussard (Les Archers) qui a quasiment travaillé sur les 200 visuels de mes sorties et Patricia de Gorostarzu qui me fait quasiment tous les reportages photos dont j’ai besoin depuis près de dix ans.

C’est simple, pour faire un album qui me convienne, il faut les ingrédients suivants : un bon enregistrement et de belles photos. Ensuite, il faut faire le track listing (l’ordre des titres), le mastering et le visuel. Le track listing est beaucoup plus important que l’on pourrait le penser, je dirais même qu’il est essentiel artistiquement (et commercialement, pour les écoutes en magasin).

Le mastering permet également d’optimiser le son de chaque titre, de donner de la cohérence à certains titres enregistrés différemment et de bien égaliser les niveaux sonores. L’intervalle entre chaque titre est important aussi et permet d’influer sur le rythme général de l’album. Pour le mastering, je fais confiance à Dume (chez Mad mastering), je passe environ une journée sur chaque album et c’est un travail très agréable.

Enfin, le visuel c’est le contenant, et il doit tout à la fois être beau et donner une idée du contenu. Des fois, ça va très vite, des fois il y a des semaines de travail. La plupart des albums Dixiefrog sont des digipaks car je trouve que ça rappelle le livre ou le vinyle, c’est plus chaleureux et ça fait de beaux objets qui vieillissent bien.

Est-ce que le format album n’est pas remis en cause ou profit de la musique dématérialisée, du téléchargement, légal ou pas ?

On ne va pas télécharger un titre de Beethoven, on prendra l’une de ses œuvres dans son intégralité. Beethoven l’a conçue comme un tout et ça n’aurait pas de sens de la couper en tranches. En ce qui concerne la musique plus commerciale, je pense que l’auditeur d’NRJ va plutôt télécharger le dernier hit de Madonna que l’intégralité de son album. Pour John Lee Hooker, il me semble plutôt que l’on va télécharger l’album.

Tout dépendra du style musical, mais l’album est un concept et un format qui correspond à nos habitudes, à notre culture, à nos possibilités de concentration et au potentiel créatif d’un artiste (celui qui écrit 12 bons titres par an est très productif). Le format album est remis en cause, certes, car de nouvelles possibilités s’ouvrent, mais il n’est pas remis en cause complètement, notamment pour un artiste de blues.

Est-ce que les produits hybrides, qui mêlent image et son, n’ouvrent pas de nouveaux horizons pour relancer les ventes de disques ?

Oui et non. Il me semble que le DVD musical est un produit qui a été flingué. C’est extrêmement coûteux en temps et/ou en argent de produire un DVD musical de bonne qualité (caméra HD, son 5.1, authoring, etc.) et les prix de vente actuels (assez bas) pratiqués ont déjà affaibli ce support. Aujourd’hui, ou bien l’on réutilise du matériel tourné par une télévision, par exemple, donc sans frais réels de production, ou on fait cheap.

De plus, le DVD musical n’est pas distribué dans les rayons musique (notamment en Fnac) et l’exposition qui est mauvaise condamne les produits tout de suite après la mise en place. Donc maintenant, je suis plutôt d’avis de mettre de l’image sur un DVD bonus avec un CD, ou bien de mettre des petites pastilles vidéo sur un CD (il y aura un vidéo-clip sans prétention dans le prochain album de Popa Chubby).

Cela présente l’avantage de mettre l’image musicale dans le rayon musique des magasins et permet de justifier une qualité technique moyenne, puisque c’est un plus produit. Si on ne vise pas le top technique, on peut maintenant faire des images à coût réduit grâce aux nouvelles caméras et aux logiciels de montage.

Je persiste et signe : le CD est toujours un bon produit d’actualité. il est au vinyle ce que représente le DVD par rapport à la cassette vidéo. Et le DVD ne remplacera pas le CD car la musique doit pouvoir aussi s’écouter sans se regarder. Ce sont des produits complémentaires.

Et le débat actuel sur le téléchargement ?

Concernant le téléchargement illégal, lorsque ces lignes paraîtront nous saurons si mon métier existe encore (PL parle du débat parlementaire qui aura lieu le 17/01. ndrl). Si un internaute peut télécharger la musique du monde entier pour 6,90 euros, les disquaires, les distributeurs, les labels et beaucoup d’artistes et de techniciens disparaîtront rapidement. Si on y réfléchit, la musique et le cinéma deviendront les premiers produits gratuits dans une société libérale entraînant par là même la fin de la production desdits produits sinon par des subventions...

Si le téléchargement légal (je veux dire payé au titre) se développe, c’est une chance extraordinaire pour la musique et les créateurs. Les deux principaux modes de consommation de la musique connus à ce jour (CD et téléchargement) ont chacun leurs avantages et leurs charmes. À mon sens, ils sont complémentaires.

J’adore l’objet physique, mais je dois reconnaître que mettre des milliers de titres dans une petite boîte c’est extraordinaire ou découvrir tout ce qui existe musicalement de chez soi, sans aucunes limites, c’est fabuleux. Ces nouvelles technologies, de plus, devraient permettre plus facilement à des artistes autoproduits, ou publiés par des labels indépendants de se faire connaître.

Francis Rateau


© Auteur : Francis Rateau



LE PRIX D’UN CD pour un label indépendant

La part des anges !

Pour un CD vendu 20 euros prix public en magasin, le gâteau se répartit ainsi :

- TVA : 3,3 euros
- Part Magasin : 6,7 euros
- Part Distributeur : 3 euros
- Part Artiste/Producteur : 2 euros
- Part Label : 5 euros décomposé comme suit :

2 euros : Fabrication du CD (CD + Digipak + Droit d’Auteur)

3 euros : L’Attaché de Presse, le Desiger pour le visuel (pochette), le Mastering (son), la Publicité (Presse, Radio, + Promo écoute en magasin), Frais de fonctionnement (salaires et charges sociales, frais généraux), parfois du Marketing additionnel (avion, hôtel, repas pour la venue d’artistes en promo), Aide aux Tournées...



Source : Crossroads # 40 de février 2006/ Mensuel / Pages 88 à 91 ©

Merci à Christophe - Da Goof - (que la Force soit avec toi...) et à Francis pour leur aimable autorisation de publication.


Attention : l’autorisation de publication a été donnée uniquement pour une utilisation sur le présent site www.patfraca.com. Toute autre reproduction est strictement interdite.



 

 

 

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