Février 2006.
L’édito mensuel, disparaissant du site pour laisser la place à celui du nouveau numéro de Crossroads, sera dorénavant repris ici dans son intégralité.
Trop bon(s) pour ne plus pouvoir être consulté(s) et... relu(s) !
Coups de soleil.
Mercredi 1er février, 6h13 du matin.
Dans quelques heures sortira, sur près de mille copies, Les Bronzés 3.
L’hypocrisie générale autour de ce film, doublée d’une bonne dose de cynisme assumé, me fait un peu froid dans le dos (ce qui est d’ailleurs la réaction physique paradoxale d’un trop plein de soleil).
Tout le monde est à l’unisson pour nous annoncer - plus ou moins avec le sourire - que le film est rentable à 6 ou 8 millions d’entrées, que chacun des protagonistes (les six acteurs et le réalisateur) a fait jouer le tiroir-caisse (ce ne sont donc pas les roucmoumoutes de Michel Blanc ou les faux seins de la Chazel qui ont coûté si cher), qu’il faut donc aller le voir, merdalors, puisque c’est un produit dérivé de résidu télévisuel.
Vous bouffez du Bronzés, qui n’avait pas encore de numéro, tous les ans entre la dinde et la bûche, alors fermez-là, mettez-vous dans la file et sortez votre billet de dix euros. Allez, zou, et je ne veux pas voir une casquette Brice de Nice qui dépasse !... Tout le monde s’en fout que vous aimiez le film ou pas. Rien à carrer que les critiques n’aient pas été conviés à exercer leur profession (critiquer l’incriticable, vous pensez bien).
Pas grave si tout le monde semble d’accord sur la plus que vraisemblable médiocrité de la chose (les deux précédents arrachaient déjà difficilement un ou deux maigres sourires, peu pour des comédies dites « classiques »). Vous êtes conditionnés pour dire « Je l’ai vu, j’y étais... ». C’était comment ? « Euh... Bien, bien, comme le 1 et le 2, quoi ».
Qui, du coup, deviennent aussi des numéros, mais n’en demeurent pas moins des résidus télévisuels.
Côté musique, la branlette du moment est à mettre à l’actif des Artic Monkeys. Rien à battre que le groupe n’apporte rien de rien à quoi que ce soit. Ce qui compte, c’est qu’il ait battu un nouveau record de mise en vente pour un premier album (trop vachement important, ça).
Plus ou moins 350 000 copies écoulées en une semaine, rien qu’en Grande-Bretagne (enfin, je crois, les emails d’auto-congratulations des maisons de disques ne font pas long feu dans mon ordinateur ; et puis, tous ces gros chiffres, ce sont surtout des zéros, à bien y regarder). Énorme, qu’on vous dit. Donc à posséder. Et vite, surtout qu’il reste encore à battre la meilleure mise en vente en France pour un premier album d’un groupe qui compte quatre membres dont un qui ne se rase qu’un jour sur trois ; pas fastoche, ça !
La musique ?... Quelle musique ? Ah oui, la musique des Artic Monkeys ? Trodanlemouvketuvakifégrave ...
Si Patrice Leconte avait été malin, c’est ça qu’il aurait mis comme générique des Bronzés du bocal 18, toujours plus pires. Remarquez, je dis ça, ça se trouve, les Artic Monkeys, c’est Lhermitte, Balasko, Blanc et Jugnot (ce dernier, dans le rôle de celui qui se rase tous les trois jours, forcément).
J’ai volontairement laissé les deux amis de SarKKKozy (Merde alors, j’ai le même problème avec mon nouveau clavier...) de côté. La simple évocation de leur existence me donne envie de posséder des armes lourdes, leur vue fait monter la température de mon petit cervelet à ébullition, mais le pire reste de les entendre. C’est là que se mettent à clignoter tous les panneaux « Danger » !...
Mais que risque-t-on finalement ? C’est vrai, quoi, on est bien dans ce bel enclos, tous ensemble, avec cet écran géant unique, et son homologue haut-parleur. Ah, il est trop drôle ce Christian Clavier, quand même. Et puis, on sent qu’il aime le métier d’acteur, qu’il est voué corps et âme à cette passion... Euh, excusez-moi, un enfant à la casquette Brice de Nice à l’envers (rebelle, va !) me tire la manche, avec insistance...
« Que veux-tu, mon petit ? »
« Dis, monsieur, est-ce que tu peux arrêter de bêler, parce qu’on s’entend plus consommer, nous, et c’est assez désagréable... Cassé !... ».
Que répondre à ça ?
Mercredi 1er février, 6 h 46 du matin, il fait encore nuit et l’époque n’est pas spécialement propice à ça, mais pourtant je commence déjà à ressentir de sacrés coups de soleil. Froid dans le dos, vraiment...
Christophe Goffette
Extrait de Crossroads/Brazil (copyright).