Vendredi 10 octobre 2003... 17h15. Nous démarrons de Bruxelles afin de rejoindre la principauté de Liège. Nous fonçons sur l’autoroute, à une vitesse incroyable de... 10 kilomètres à l’heure. Des milliers de véhicules se pressent sur cet axe routier.
Les Princes nous attendent. Pas ceux que l’on nous montre dans Match, ni ceux que l’on nous fourgue sur RTL. Non, les vrais... The Pretty Things ! Tous ces véhicules se dirigent-ils vers le Spirit Of 66 ?
Durant la route, alors que le lecteur de CD diffuse l’un des compacts du triple album The Pretty Things - Singles As & Bs, je me remémore notre première rencontre le 24 juin 2003 à l’AB. Non pas leur premier concert, que j’ai vu il y a quelques décennies... !
- "The Pretty Things - Singles As & Bs"
J’étais attablé, avec Françoise et Caroline, dans le restaurant de l’AB, en compagnie de Bill Wyman, de Terry Taylor et de Jean-Noël Coghe. Les Pretties arrivent, viennent se restaurer avant d’ouvrir cette soirée. Phil May vient discuter avec Bill et je prends des photos de ces « incontournables », de ces géants.
Bill et Terry tiennent à retourner au Sheraton et je les accompagne. De retour à l’AB, je n’assiste qu’à la fin de la prestation des Pretties, ne pouvant prendre que quelques clichés.
Le lendemain, je vais les guider dans l’exposition Music Planet. Les Pretties sont accompagnés de Mark St. John, leur producteur-manager-ami-batteur, d’Arthur Fire Brown, qui mit le feu bien avant Jauni H. et de Ross, jeune et sympathique roadie.
Dans l’espace représentant le bureau de Margaret Thatcher, 10 Downing Street, ravagé par le passage - fictif - des Sex Pistols, ils me demandent de les photographier. Ils investissent le bureau, s’accaparent des accessoires : plantes, classeurs, bougeoirs et bougies, téléphone... Frank Holland déchire un annuaire téléphonique et en fait voler les pages... Je shoote une bande de sales gamins en pleine forme. Ils s’amusent, rigolent eux-mêmes de leurs grimaces !
- The Pretty Things with Arthur Brown in Music Planet
Nous allons ensuite déjeuner tous ensemble. Discussions normales, car ils ne se font pas toujours passer pour les Monthy Pyton ! Ils sont intéressés, intéressants. Nous parlons de musique, de leurs tournées, du contenu de l’expo...
Comme Bill Wyman, quelques mois plus tôt, ils ont été interpellés par cette salle où est exposé le décret nazi « Swing-Jugend », qui menace de déportation vers les camps de concentration les jeunes qui écoutent du swing ! Le repas s’achève et j’embarque dans ma voiture Phil May, Frank Holland et Wally Allen afin de les reconduire au Sheraton. Les autres montent dans un second véhicule. Durant ce long trajet, embouteillages obligent, ils fredonnent, marquent le tempo en frappant des doigts sur leurs cuisses ! Je les débarque devant l’hôtel. Nous nous disons à bientôt, pas adieu. Frank m’attire contre lui, me fait l’accolade, me tape dans le dos et me dit : « Thanks Patrick for all the things you’re doing for us » et de lui répondre « Pretty things, I hope ! ». Rires ! Je me demande toujours ce que j’ai fait de tellement exceptionnel pour eux...
Il est presque 19 heures lorsque nous arrivons à Petit-Rechain. Mon ami Francis Géron, patron du mythique Spirit Of 66, nous a réservé une chambre dans l’hôtel où sont attendus les Pretty Things. Francis m’avait immédiatement contacté lorsqu’il avait « signé » le groupe, tout en me disant : « Je t’attends pour ce concert, sans faute. En plus, tu les connais et c’est le jour de ton anniversaire ! » Effectivement. Mon âge ? Vous n’avez qu’à chercher : même jour, même mois, même année que le chanteur de Van Halen. Jump !
L’hôtel se situe dans un complexe sportif abritant trois terrains de tennis, deux terrains de badmington... Françoise et moi prenons possession de la chambre, vidons notre valise et allons prendre l’apéro. Que faire ? Les attendre ou gagner le restaurant de l’hôtel ? Nous penchons pour la deuxième solution. Nous nous y installons, commandons. Les plats arrivent une dizaine de minutes plus tard, en même temps que... les Pretty Things !
La réception et le bar sont séparés de la salle à manger par une porte en verre fumé. Les Pretties nous ont vu et nous font de grands signes. Françoise et moi quittons la table et allons les rejoindre, au grand désespoir de la serveuse.
Retrouvailles, embrassades, congratulations... Ils sont heureux, nous le sommes. « Vous nous rejoignez à table, les gars ? dis-je - Non, non, répondent-ils en chœur, nous préférons dîner après le concert. Mais allez manger ou tout va être froid. Nous déballons nos affaires, nous nous rafraîchissons et nous nous retrouvons au bar ».
Nous regagnons le restaurant, retrouvons notre table, et la serveuse son sourire. Le dîner terminé, nous passons par notre chambre prendre le matériel photo et les tirages papier que je destine à chacun d’eux. Dans le couloir, la porte de la chambre de Phil est ouverte et il se trouve dans la salle de bains. « Hé Françoise, Patrick, je n’ai pas d’eau chaude, elle est à peine tiède ! Et vous ? ». Retour à notre chambre pour effectuer la même constatation. « OK, Phil, c’est la même chose chez nous - Ah, zut, j’en ai besoin pour soigner ma gorge - Rejoins-nous au bar et nous demanderons une tasse d’eau chaude ».
Skip Alan et Mark St. John sont installés au bar. Mark nous offre immédiatement un verre. Nous échangeons les dernières infos, je leur montre les photos, notamment celle prise à Music Planet, chez Maggie. Ils commentent à nouveau leurs pitreries ! Je leur demande de me dédicacer le passe-partout que j’ai acheté afin d’encadrer cette photo. Skippy s’assied à une table, signe, indique la date et dessine une caisse claire et une cymbale. Mark ne veut pas signer, estimant qu’il ne fait pas partie du groupe. J’insiste et il accepte.
Skippy et Mark admirent le complexe sportif. Mark, qui comprend et parle assez bien le français, m’indique qu’il habite une petite cité en Angleterre. Il aimerait importer ce genre de concept et me demande s’il est rentable. Je n’en ai aucune idée.
Une télévision diffuse, déverse, vomit en permanence les infos de CNN. On y évoque l’élection d’Arnold Swartzenegger au poste de gouverneur de l’état de Californie... Governator. Mark s’esclaffe, commente cette farce qu’il ponctue d’un : « Ridiculous ! » Arrivent ensuite des images de Schumacher qui est en tête des qualifications du Grand Prix de Suzuka. « Hé Skippy, c’est encore lui qui est le premier ! dit Mark - Comme d’habitude, répond Skip ! »
Mark joue au tennis et est, manifestement, intéressé par ce qui se passe sur les courts que l’on aperçoit à travers les nombreuses baies vitrées. « Tu y joues, me demande-t-il ? - J’y jouais, il y a encore quelques années. Je n’en ai plus le temps. Mais le sport, ce n’est pas tellement bon ! - Ah... bon, réplique Mark, interloqué, tout comme Skippy - Ce n’est pas moi qui l’affirme, mais l’un de vos compatriotes - ? ? ? - Vous n’êtes pas au courant... Churchill... - Quoi, Churchill ? - Octogénaire, sir Winston Churchill est interviewé par des journalistes. L’un d’eux lui pose cette question : « Mais, sir, quel est votre secret pour demeurer tellement en forme ? Et Churchill de répondre : le sport... jamais de sport ! ! ! » - Tu blagues, Patrick ? - Pas du tout, c’est absolument authentique ! » Rires !
Nous évoquons la prochaine tournée des Pretties et la collection de guitares de Mark... Skippy déguste son vin. « J’aime le vin rouge, j’ai l’impression de boire mon sang » me dit-il. Christopher Skip Lee me fait face ! Et il ajoute : « Je crois d’ailleurs que j’en ai bu un peu trop (il parle du vin, pas de son sang - NDLA). Cela ne va pas être évident ce soir...Vais prendre une douche ! »
Skippy s’en va et Phil arrive. Je lui propose un verre. Que va-t-il prendre ? Un vin rouge ? Non, un jus d’orange ! « Froid ou tempéré, Phil... pour ta voix ? - Froid, Patrick... et une tasse d’eau chaude ». Les breuvages sont servis. Nous trinquons. Phil verse quelques gouttes d’une potion magique dans la tasse fumante. Normal. Cette voix unique, qui « fonctionne » depuis plus de 40 ans et devrait être inscrite au patrimoine de l’Humanité, doit être protégée. Phil ne parle pas trop, préserve ses cordes vocales. Il signe l’encadrement, y revient quelques minutes plus tard, et dessine le contour d’une guitare à côté de sa signature.
Wally Allen nous rejoint. Il a déjà revêtu son costume de scène, son « habit de lumière »... Pantalon noir, veste noire, cravate noire et chemise blanche ! Il a été chercher Mark à Bruxelles ce matin, en provenance de Londres. « Le foutoir total, me dit-il. Impossible de trouver le terminal de l’Eurostar. Personne n’était capable de nous indiquer dans quelle gare ce train arrivait. Nous avons vraiment eu de la chance de récupérer Mark ». Je ne fais pas de commentaires. Plus rien ne m’étonne dans cette ville, ma ville, capitale de l’Europe et où il fait bon ne pas se perdre !
Il est maintenant 21h50. Tous sont prêts afin de rejoindre le Spirit. Nous démarrons, embrayons vers Verviers.
Nous pénétrons dans le Spirit Of 66, ce club unique en Belgique.
Je cherche mon ami Francis Géron, Grand Maître du Temple. Je n’ai pas de mal à le trouver. Rhodes a son colosse, Verviers a le sien ! De stature imposante, Francis domine la foule. À peine le temps de le saluer que Françoise et moi avons déjà un verre en main.
Le club n’est pas bondé, alors qu’il devrait l’être pour accueillir les Pretty Things, ce groupe sans compromis, resté totalement fidèle au rhythm’n’blues, au rock garage. Phil May tient, mot pour mot, le même discours que Bill Wyman : « Au début des années 60, on ne trouvait presque pas de disques de rhythm’n’blues. Si on voulait entendre la musique que nous aimions, il n’y avait qu’une solution : la jouer nous-mêmes ! » Incroyable ! Quarante ans après, c’est toujours la même force, la même violence que leurs concerts dégagent. Le Spirit devrait être plein à craquer, des centaines, des milliers de personnes devraient avoir envahi la place du Martyr afin de tenter d’assister à ce concert. La police, l’armée appelées afin de canaliser cette foule... Place du Martyr du Rock ? Moins de 200 personnes ! Mais qu’est ce qu’ils font, tous les rockers du royaume ? Ils fêtent l’année Brel, regardent la Star Acavomir ? Ils ne comprennent toujours pas que ce groupe est aussi important que les Stones ? 75 000 personnes se sont rendues à Werchter pour voir, écouter les Rolling Stones. Beaucoup de show, de moulinets, d’effets mais certains morceaux seront massacrés. Ce soir les Pretties, restés indubitablement plus authentiques, n’attirent que (trop) peu de monde. Information, désinformation, manque d’informations... ?
Il est près de 23 heures quand Mark monte sur scène, saisit le micro et annonce, dans un discours largement ponctué de fuckin’, les Pretties : « Merci à vous tous d’être là ce soir et à toi, Patrick, pour accueillir des dinosaures, l’un des plus vieux groupes de rhythm’n’blues, de rock’n’roll ! Tous ses membres sont âgés, la plupart sont grands-pères mais ils jouent toujours une fuckin’ bonne musique... THE PRETTY THINGS ! » Ovation du public, des connaisseurs, des passionnés, qui s’amusent de l’auto-dérision pratiquée. Cela fait aussi partie du rock’n’roll, n’en déplaise à certains ! Durant tout le concert, ils vont s’envoyer des vannes, plaisanter sur leur âge...
Un concert, cela ne se décrit pas avec des mots. Cela s’écoute, se voit... Je ne vais donc pas vous le dévoiler en fonction de la set-list. On ne « lit » pas un concert, on y participe ! Mais quelques faits, émotions, néanmoins...
- Phil May
- Dick Taylor et Phil May
Les Pretties arrivent, tous en costard noir, prennent leur instrument, leur place et... ouvrent le feu ! Je commence à shooter. D’entrée de jeu, ils balancent la puissance, l’énergie. On ne rentre pas délicatement dans un concert des Pretties. Non, certainement pas ! Les décibels vous submergent, vous noient immédiatement. Cette belle chose, cette formidable machine vous happe, vous embrase.
- Dick Taylor
- Wally Allen
- Frank Holland
- Mark St. John
Phil May agite ses maracas ou son tambourin, comme 40 ans plus tôt et a toujours les mêmes attitudes scéniques. Sa voix est moins aïgue... mais quelle voix ! Dick Taylor m’adresse un clin d’œil. Il est rayonnant, heureux. Ses doigts parcourent le manche de sa Fender, dont la caisse est « discrètement » garnie d’autocollants indiquant "psychetelecaster", ou celui de sa Vox, cette marque de guitares anglaises aux formes surprenantes, parfois d’un goût douteux, et qui fut l’une des rares compagnies à profiter de l’essort du rock anglais. John Povey est aux claviers, un Yamaha surplombé de deux Korg, qu’il abandonne parfois pour le bongo et pour l’harmonica. Skip Alan, muni de gants, est derrière sa batterie Gretsch, ses fûts. Les baguettes s’abattent,... impitoyables. Elles éclatent parfois et des morceaux de bois volent. Il se donne à fond, frappe et torture sa caisse claire, ses toms, sa grosse caisse, sa cymbale charleston, ses cymbales, et carbure maintenant à l’eau plate. Wally Allen assure la basse et est tout autant à l’aise quand il passe à la guitare sèche ou à la rythmique. Tout comme Frank Holland, quand il abandonne sa Strat pour la basse ou l’acoustique. Mark St. John me fait face, me sourit, martelant le bongo, agitant ses tambourins. Les doigts, les mains, qui frappent à une vitesse vertigineuse et violente, chauffent, rougeoient.
- John Povey
- Skip Alan
Phil et ses compères causent au public entre les morceaux, donnent à chaque fois le titre, les albums dont ils sont issus, parfois le contexte, souvent l’année. Bien entendu, ces dates sont à nouveau prétexte à rire, à se charrier. Quelques exemples...
Phil explique brièvement la naissance de S.F. Sorrow... À propos de Vivian Prince, il précise que c’est un hommage - tribute - au premier batteur, le légendaire Viv Prince, complètement dément et dont Keith Moon s’inspira. Skippy lui succède en 66. Phil nous apprend que Prince est toujours vivant et s’occupe d’une orangeraie au Portugal... Phil, portable à la main, annonce qu’il a un appel... « Hello Arthur, hello... oui... que veux-tu que nous jouiions ?... ton morceau favori... ok, on va le faire... Hooch, Hooch, Hooch... OK, c’était Arthur Brown en ligne qui souhaite que l’on joue son titre préféré... Hoochie Coochie Man ! » Et le tempo lancinant de ce morceau de blues emblématique démarre, bien gras comme il se doit, avec John qui excelle à l’harmonica.
Les guitares répondent aux percussions, les percussions répondent aux guitares, la voix de Phil subjugue, enivre. Wally et Frank se font face, tout comme les guitares qui se complètent, combattent, entourent Phil, rejoignent Dick, encerclent Skippy. Des bouteilles de bière sont posées devant la grosse caisse qui résonne, sollicitée sans répit par le pied de Skip... De la mousse monte et s’échappe des goulots ! ! ! Le public s’agite, danse, entre en transe. J’essaye de changer d’angle pour les prises de vue et dois faire attention aux bras, et aux mains qui partent dans tous les sens, aux poings qui se serrent, se lèvent comme pour valider le « combat » qui se déroule sur scène. Impossible de traverser cette foule, je dois la contourner. Francis est back-line, derrière la console, réglant le son, les retours, l’éclairage... Cet homme est partout !
- Francis ’Spirit’ Géron
J’ai pris une nouvelle position pour Judgement Day, le dernier morceau. Les Pretties chantent, gueulent le rock, leur rock, pur, dur, authentique. À l’unisson, véritablement soudés. C’est un moment incroyable. Ils terminent leur prestation par ces mots : « Thank you... Good night... God bless to you ! ! ! »
Mais le public en veut plus, beaucoup plus.
Mark réapparaît : « Vous êtes de frais fans et vraiment un fuckin’ bon public. On va encore se donner un peu de plaisir dans ce fuckin’ d’endroit ! Vous en voulez encore ? - Yeeeaah ! ! ! hurle le public, comme un seul homme, rocker - ... mais voyez qui est déjà de retour... ! » Dick remonte, discrètement sur scène. Du moins, il essaye ! Car Mark poursuit immédiatement et annonce : « ... le premier bassiste des Rolling Stones et l’homme qui a décidé de faire du rock’n’roll à la place de gagner du pognon - applaudissements ! ! ! - Mister Dick Taylor ! ! ! Et le reste de la bande... THE PRETTY THINGS ! » Les combattants reprennent leur arme, ajustent leur tir. Mark passe aux drums. Phil annonce que Skip revient enfin habillé. En effet, il apparaît vêtu d’un veston alors que tous les autres l’ont abandonné, se place à côté de Phil et saisit le pied de micro ! Il tient un essuie en main, s’éponge, tout comme Phil... qui annonce Rosalyn. Le riff d’enfer, qui a fait le tour de la planète, démarre, assuré par les grattes de Dick, Frank et Wally. Mark cogne, s’en donne à cœur joie, contemplant le spectacle qui se passe devant lui. Dick me fixe dans les yeux. J’ai compris... et appuie sur le déclencheur. Deux minutes et quarante secondes d’énergie totalement libérée. Energie nucléaire.
Mais l’explosion, la fusion n’a pas encore eu lieu... Skip prétend qu’il est tellement trempé qu’il risque l’électrocution, la crémation, le décès ! Phil se marre et annonce : « Route 66, featuring Mister Skip Alan and Mark St. John on drums ! »
(Get Your Kicks) On Route 66, cette incroyable composition, standard du rock’n’roll, est dûe au jazzman Bobby Troup et a été repris par des centaines d’autres groupes, d’artistes, comme Them, Chuck Berry, les Rolling Stones, Dr. Feelgood, Bill Wyman’s Rhythm Kings,... Un hymne à cette route mythique, la Mother Road, qui traverse les USA, reliant Chicago à Los Angeles. Cette Highway surnommée également Death Alley, Bloody 66 ou encore Two Lane Killer, tant elle était dangereuse !
Cela démarre violemment, très violemment...
... Well if you... ever plan... to motor West... Travel my way... take the highway... that’s the best... Get your kicks... on Route 66...
Les Pretties enclenchent la postcombustion ! ! ! Ces types sont fous, totalement, definitely ! En 64, le Melody Maker titrait : « Laisseriez-vous votre fille sortir avec un Rolling Stone ? » Sans problème, me dis-je... mais pas avec un Pretty Thing !
Tous entourent Phil et Skip, y compris John qui est à l’harmonica. Route 66 se termine mais le riff continue... Et, à ce moment, on bascule dans une autre dimension... Keith Moon est réincarné ! Skippy s’empare furieusement du tom bass, tout en renversant des micros et en arrachant des câbles, le dépose sur le devant de la scène, à côté de Phil. Des micros sont à nouveau renversés. Ross ne sait plus où donner de la tête. Il rebranche des connections, attrape un micro, se rue afin de sonoriser le tom que martyrise Skippy, qui hurle, sur le même tempo : « THE PRETTY THINGS... THE PRETTY THINGS... ». Agenouillé, il martèle la caisse de ses baguettes, les fait virevolter... Il jongle, fait rebondir l’une de ses baguettes sur le tom. Elle décolle, tournoie, redescend et... il la saisit avec une précision diabolique. Il recommence cet exploit à diverses reprises. Skippy a les traits tirés, marqués, mais aussi les yeux fermés ! Il continue à taper, comme un fou. Son visage dégouline, les gouttes de sueur pleuvent sur le tom. Un spectateur rattrape un autre micro qui tombe, le tend vers Skip afin d’assister Ross.
Skippy est porté, supporté, transporté par les anges, les démons... Les deux, plus que probablement.
Frank, Phil l’observent de près. Tout comme moi à travers mon objectif... Y a-t-il un médecin dans la salle, car je crains le pire ? ! Ce n’est pas la première fois que je le vois exécuter cette prouesse, mais il m’a l’air au maximum de ses possibilités, ou alors ses ressources physiques sont énormes. J’ai peur qu’il n’éclate, que son sang,... son vin, ne gicle ! Ce type, âgé de 55 ans, est prêt à donner sa vie, son âme pour le rock’n’roll. Tout le band chante maintenant, encourageant, supportant Skip... Les derniers coups frappent le tom, les guitares se taisent, l’harmonica s’éteint et Mark abat une dernière fois ses baguettes sur ses caisses. Près d’une heure et demie d’un concert d’enfer... C’est terminé !
« Thank you very much... You are genius ! ». Tous font des signes au public, le remercient. Le public applaudit,... les remercie. Les gladiateurs se retirent, mais l’arène ne se vide pas.
Ils descendent l’escalier qui mène backstage. Je les suis, mais me ravise et fais demi-tour. Autant les laisser se changer en paix. Ross commence à démonter le matériel, bientôt rejoint par Mark, Frank, Dick... Ils me demandent comment était le concert. « You’re crazy, really ! » dis-je. Tous aident Ross. Vous voyez Keith Richards démonter le matos après un concert des Stones ? Bon d’accord, ils ont un peu plus de matériel ! Les Pretties sont sollicités pour des autographes et les accordent volontiers, répondent aux questions. Ross me file la set-list et Skip une baguette, la dédicace. Dick me demande de le photographier à côté d’une des flight-cases. Françoise trouve que cela ne va pas assez vite et se met à aider, à transporter le matériel, les instruments... Je me méfie, crains le pire, que cela ne finisse comme à la maison ! Effectivement, quelques secondes plus tard : « Hé, Pat, tu pourrais pas venir donner un coup de main à la place de rester planté là ? »
Chinois pour tout le band, a décrété Francis ! Il est plus d’une heure du matin quand le repas est servi aux Pretties, au premier étage. Francis fait le service, sert le vin. Quand je vous dit qu’il est partout, qu’il fait tout ! Ils nous font signe de les rejoindre, mais nous les laissons dîner à leur aise. Nous trinquons et discutons avec Francis, le remerçions pour son accueil et son hospitalité. Francis, s’il n’existait pas, il faudrait l’inventer ! Il produit des dizaines de concerts par mois, toute l’année et depuis des années ! Qui dit mieux ??? Nous regagnons l’hôtel vers 2h30.
Je suis réveillé à l’aube par le chant... du coq ! J’essaye de me rendormir. La bestiole recommence à pousser ses cris ridicules. Mais il ne connaissent donc pas le réveille-matin dans ce bled ? Au prochain concert, je m’amène avec un riot gun et je lui règle son compte, au futur empaillé sur deux pattes. Je somnole quand la Terre tremble, quand le plafond semble s’écrouler. Skippy est-il en train de répéter ? ? ? Non, c’est l’étage supérieur de l’hôtel qui est en travaux. "Ils" ont gagné... nous nous levons !
Nous rejoignons le restaurant afin de prendre le petit déjeuner. Mark, Skippy, Wally et Frank sont déjà attablés. Je ne sais pas comment ces gars font pour être tellement en forme après de tels concerts ! Le café nous fait du bien. Frank s’inquiète immédiatement des photos, croyant que je travaille avec un numérique. Je lui explique que je reste à l’argentique, plus performant. Nous parlons de Roland (Van Campenhout, of course) qu’ils connaissent, évoquons le futur concert de Bill Wyman au Royal Albert Hall,... Skippy se retire, va préparer sa valise. Frank nous demande si nous ne voulons pas les accompagner en Hollande, pour le concert qu’ils donnent ce soir. Nous déclinons l’invitation.
Nous nous asseyons dans les fauteuils, devant les baies vitrées qui donnent sur les courts de tennis. Mark commente l’entraînement des enfants, âgés de trois à quatre ans, qui suivent des cours. Les autres arrivent, au compte-gouttes, s’asseyent. John est, comme toujours, très bien habillé. Il nous parle de sa maison en Espagne, à Marbella, qui sera terminée en novembre, des sports qu’il pratique, tennis et golf. Dick nous rejoint, s’inquiète également des photos ! Je lui tiens le même language qu’à Frank. Dick me donne son adresse e-mail afin que je lui expédie rapidement ces photos. Il voit mon paquet de cigarettes, marqué de ce bandeau noir indiquant « Le tabac tue » ! « J’ai arrêté la cigarette il y a une douzaine d’années, quand je me suis aperçu que je ne savais plus monter à l’étage de ma maison » nous confie Dick ! Phil arrive, commande un café. Il est discret, comme à son habitude.
Il est maintenant près de 13 heures. Nous quittons l’hôtel. Le ciel est gris, les nuages rejoignent le sol. Un drapeau belge pend lamentablement, accroché à un mât dressé sur le parking. Pas d’Union Jack. Plus loin, une prairie où un bélier est occupé à « monter » une brebis !
Françoise éclate de rire, indique la scène aux Pretties. Fou rire général ! La camionnette Ford, qui transporte le matériel, et quelques membres du groupe, a besoin d’être alimentée... le capot-moteur est ouvert. Mick se penche sur la mécanique, va chercher un bidon d’huile, une bouteille d’eau. Dick, à son tour, met le nez dans le moteur, rejoint par Frank. Françoise s’en mêle ! Je me retire avant qu’elle ne fasse, à nouveau, appel à moi. Frank me parle du Ford : « Nous l’avons acheté à la police anglaise. Regarde... les vitres sont en plexi et non en verre. Impossible de les briser - Bonne protection contre les fans impétueux, dis-je ! ». Rires. Enfin, tout est chargé. C’est le moment des poignées de mains, des tapes dans le dos, des embrassades. Nous nous donnerons des nouvelles via le Net. Les Pretties se répartissent entre la camionnette et un monovolume. Quelques appels de phares et nous nous quittons.
Françoise et moi filons vers Bruxelles. J’introduis dans le lecteur un CD-R. C’est le cadeau que m’a offert Francis pour mon anniversaire : l’enregistrement du concert, depuis la console !
... Well if you... ever plan... to motor West... Travel my way... take the highway... that’s the best... Get your kicks... on Route 66...
The Pretty Things étaient au Spirit Of 66 le lundi 8 novembre 2004 pour leur
"40 Years Anniversary Tour" !New gallery soon
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